Comment Oxfam et la Mother’s School Society défendent les droits des travailleuses palestiniennes dans les colonies israéliennes
Les Palestiniennes sont actives dans plusieurs secteurs de l’économie des colonies illégales implantées en Cisjordanie occupée. Leurs droits y sont systématiquement bafoués, d’autant plus dans un contexte d’escalade des violences. L’ONG Mother’s School Society et Oxfam ont lancé un projet afin de soutenir 200 d’entre elles en matière de santé mentale et d’autonomisation économique, financé en partie par la Région bruxelloise. Bilan de six mois d’action commune.
Le projet, intitulé « Ma dignité est mon droit » a démarré en avril 2024 et sera déployé pendant un an par trois acteurs de la coopération : Oxfam, qui œuvre à l’amélioration des conditions de vies des Palestinien.ne.s depuis les années 50, l’ONG palestinienne Mother’s Society School, dont l’objectif est de renforcer la position des femmes au sein de la société palestinienne et la Région bruxelloise qui apporte un financement.
Apporter un soutien psychosocial aux travailleuses palestiniennes
L’objectif du projet est triple. Le premier vise à répondre aux besoins en soutien psychologique dont les travailleuses ciblées par le projet ont besoin. En effet, la plupart d’entre elles sont confrontées à des discriminations et des humiliations quotidiennes aux checkpoints israéliens de la part des forces de sécurité israéliennes lorsqu’elles se rendent au travail. Ces humiliations quotidiennes provoquent une forme intense de souffrance psychique sur ces travailleuses.
De plus, ces femmes sont exploitées à toutes les étapes de la chaîne : elles sont d’abord exposées à des abus de la part des intermédiaires qui leur sourcent les emplois dans les colonies et sont ensuite payées en-deçà du salaire minimum par leur employeur, sont privées de congés payés et n’ont pas de couverture maladie alors qu’elles sont parfois actives dans des secteurs à risques d’accidents, autant de violations de leurs droits humains et de sources d’inquiétudes pour leur autonomie économique.
Malgré leur précarité professionnelle, ces femmes, souvent jeunes et seules, sont contraintes de continuer de travailler dans les colonies israéliennes à cause d’un taux de chômage encore plus haut en Cisjordanie occupée depuis l’invasion de Gaza par Israël. En effet, depuis le début de la guerre, 306 000 emplois ont été perdus, faisant passer le taux de chômage en Cisjordanie de 12,9 % avant le conflit à 32 % aujourd’hui, un taux encore plus élevé chez les femmes.
Enfin, les Palestiniennes de Cisjordanie sont encore plus en danger depuis l’inédite escalade des violences en territoire palestinien occupé. Depuis le 7 octobre 2023, 128 Palestinien.ne.s ont été tué.e.s lors des frappes aériennes et plus de 600 lors de fusillades, y compris à Jérusalem-Est. Ces attaques ont été perpétrées par des colons ou par l’armée israélienne.
On l’aura compris, les Palestiniennes sont confrontées à une détresse psychologique qui résulte des violations de leur droit à exercer un travail décent, des effets à long terme de l'occupation israélienne, d’une violence qui a atteint son paroxysme depuis le 7 octobre, d’une peur constante de perdre leur vie ou celle d’êtres chers ou encore de voir leurs propriétés détruites.
Afin de soutenir les Palestiniennes travaillant dans les colonies israéliennes, la Mother’s Society School a organisé à l’heure actuelle 13 sessions de soutien psychosocial visant à protéger leur bien-être mental. 170 femmes ont suivi des sessions jusqu'à présent dans les gouvernorats du nord de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain, en zone C, entièrement sous occupation israélienne. Afin de contourner le blocage des axes routiers par l’armée israélienne, empêchant les Palestinien.ne.s de cicruler librement, une grande partie des sessions ont été organisées en ligne.
À la suite de ces sessions, les travailleuses sont désormais plus enclines à dénoncer les violations de leurs droits au travail et dans leur communauté.
L’équipe formatrice s’est concentrée sur l'amélioration de la confiance en soi des participantes et leur capacité à exprimer leurs problèmes personnels en toute confidentialité.
Les sessions se sont également focalisées sur les besoins des participantes en matière de santé mentale. Après avoir analysé les besoins qu’elles ont exprimés de leur propre chef, les expert.es psychosocial.es ont organisé des sessions spéciales portant sur des sujets suggérés directement par les participantes, comme les loisirs, les soins personnels et la gestion du stress dans un contexte d’occupation et de guerre, ainsi que l'organisation de la garde des enfants.
Enfin, ces sessions leur ont offert un espace sûr qui leur a permis de mettre des mots sur le fait que leurs droits sont systématiquement bafoués et qu’elles ne sont pas ‘simplement’ confrontées à des conditions de travail difficiles. Par conséquent, les participantes sont désormais conscientes du fait que le travail qu’elles exercent dans les colonies est un problème communautaire et politique et pas individuel.
Favoriser l’emploi dans les villages des travailleuses
Afin de réduire la dépendance des travailleuses palestiniennes à l’emploi dans les colonies, la Mother’s School Society cherche des alternatives économiques aux piètres conditions de travail qui leur sont offertes dans les colonies. En effet, d’après l’OIT, près de 133 000 Palestiniens et Palestiniennes travaillent dans plus de 130 colonies israéliennes en territoire palestinien occupé dans les secteurs de la construction, de l’agriculture, du travail de soin ou encore la confection textile. Les Palestinien.ne.s y sont nettement moins bien rémunérés qu’en Israël, n’ont souvent pas de permis de travail et sont rémunéré.e.s en espèces de façon non déclarée, ce qui ne laisse aucune possibilité de recours légal en cas de litige avec l’employeur, faute de traçabilité.
Concrètement, le projet vise à soutenir les projets d'entrepreneuriat de 35 femmes. L'objectif: leur garantir un revenu stable dans les villages dans lesquels elles vivent. Cela passera par des formations et un accompagnement dans la mise en place de petites entreprises. Le projet prévoit également d’apporter un capital de base pour le lancement de telles PME.
Alerter l’état palestinien sur la précarité des travailleuses dans les colonies
Enfin, le projet vise également à sensibiliser le gouvernement palestinien et les échelons de pouvoir locaux à la précarité et aux violations des droits humains endurées par les travailleurs et les travailleuses palestinien.ne.s dans les colonies. Oxfam et la Mother’s Society School prévoient d’effectuer plusieurs activités de plaidoyer sur base de recherches effectuées sur place. Un rapport est d’ailleurs sur le point d'être achevé et sera utilisé pour le plaidoyer aux niveaux local, national et international. Il se concentrera sur les facteurs économiques qui poussent les femmes à travailler dans les colonies israéliennes illégales. Ce document comblera une lacune importante dans la littérature sur le sujet car il appliquera une perspective genrée sur des villages dans lesquels la concentration de travailleuses palestiniennes travaillant dans les colonies est élevée.
La Mother’s Society School et Oxfam poursuivent leurs efforts pour atteindre notre objectif final : former 200 travailleuses (30 de plus qu’à l’heure actuelle) dans les délais que nous nous sommes fixés, en accord avec la Région bruxelloise, qui participe au financement du projet. Ce nombre n'a pas encore été atteint en raison des violences et des barrages qui empêchent la libre circulation des participantes et de nos équipes dans les zones visées. Afin d’y parvenir, la MSS a décidé de prendre contact avec des conseils de village dans des zones situées en dehors des régions initialement envisagées pour garantir la participation du plus grand nombre de femmes possible.
Ce projet bénéfice du soutien financier de la Région bruxelloise.